Dans Le Temps des prodiges, un intellectuel renommé, écrivain réputé, ami de Stefan Zweig, devient soudain la cible d'une campagne de calomnies dans la presse - qui dénonce « l'oeuvre putride et malfaisante » de ce « parasite s'abreuvant du sang de la saine Autriche » - alors même qu'il consacre ses énergies à extirper de son oeuvre, de son esprit, tout ce qui pourrait s'y trouver encore de juif, d'étranger, et à tel point que la source de son inspiration s'en trouve tarie. Blessé par ces attaques, il se heurte à tout ce qui est juif autour de lui - ses proches, sa femme, son fils même, et surtout ces Juifs hassidiques qui affluent, avec leur langue bizarre, leurs traditions encombrantes, et qui, naturellement, sont les responsables de cette haine que rien, sinon, ne saurait expliquer...
Parallèlement au drame de l'intellectuel assimilé, l'enfant et sa mère subissent, au fil de leur vie quotidienne, d'imperceptibles avilissements, détails symboliques de ce qui les attend plus tard (la déportation).
Aharon Appelfeld impose l'évocation du nazisme et de ses horreurs à travers une extraordinaire sobriété de récit. Nous assistons ainsi, via le regard d'un jeune garçon, à la lente régression d'une société vers l'état de nature. Mais Appelfeld fait l'économie du spectaculaire, et c'est uniquement le quotidien et ses infimes lézardes qu'il nous présente - agrandies par l'ombre projetée de ce que nous connaissons de l'Histoire.