Pourquoi une jeune fille riche restait-elle célibataire? Cela, mes enfants, personne ne se l'expliquait.
Des partis lui avaient été proposés. Ses deux soeurs et ses trois frères s'étaient mariés en temps voulu mais elle, Adèle - en réalité, elle s'appelait Hodel - demeurait seule. Nous habitions le même immeuble et bien qu'elle eût au moins vingt ans de plus que moi, nous étions devenues amies. Les marieurs continuaient à la solliciter, alors qu'elle dépassait la quarantaine. Un cloître juif, cela n'existe pas. Son père, Reb Samson Zuckerberg avait de la fortune. Il possédait des parts dans une sucrerie. Sa mère venait d'une famille cultivée.
Dans sa jeunesse, Adèle n'était pas laide du tout, encore qu'un peu trop maigre, petite, sans poitrine et le teint mat comme sa mère. Des filles beaucoup moins belles trouvaient à se marier. Elle avait les yeux noirs, les cheveux aussi, mais qui commençaient à se teinter de gris. Dans notre ville, on appelait cela des «herbes de cimetière». Son état devenait une honte pour ses parents. En ce temps-là, une vieille fille, c'était très rare, même dans les familles de cordonniers et de tailleurs.
Certaines ne trouvent pas de mari parce qu'elles ont mauvais caractère ou parce qu'elles font trop les difficiles. Adèle, elle, n'avait pas le temps de se montrer désagréable. Tous ses problèmes venaient d'une seule et même cause: sa folie des vêtements. Elle ne pouvait simplement pas penser à autre chose. Vous ne me croyez pas? Un prédicateur est passé une fois qui a déclaré que tout peut devenir - comment appelez-vous ça, déjà - une passion, même le simple fait de manger des graines de tournesol. Certains perdent leurs derniers sous aux cartes. A Lublin, il y avait un tanneur qui jouait aux cartes toutes les nuits et à qui il ne resta finalement plus rien. Il se trouvait avec une bande de voyous et l'un d'entre eux lui a dit:
«Pourquoi ne paries-tu pas ta femme? Tu l'estimes valoir combien?»